Le toit blanc est l’une des dernières tendances en matière d’efficacité énergétique. Son installation est tout aussi présente dans le secteur résidentiel, commercial, industriel qu’institutionnel, et ce, aussi bien aux États-Unis qu’au Canada. Au cours des 15 dernières années, les toits blancs ou réfléchissants sont devenus très populaires. Ils font même partie des exigences prescriptives dans certaines villes nordiques comme Montréal.
Il est vrai que dans certains climats plus chauds, le toit blanc soit une option utile et efficace. Mais son utilisation systématique dans des villes au nord du 45e parallèle soulève un grand questionnement et demande, selon moi, un examen attentif de chaque projet avant de perpétuer la tendance des toits réfléchissants.
Le mythe lié aux toits blancs
La faveur populaire ainsi que bien des règlementations, non fondées scientifiquement, nous disent que les toits blancs économisent toujours de l’énergie et réduisent la pollution. Malheureusement, cette affirmation est un mythe !
Les avantages invoqués des toits réfléchissants, surtout lorsqu’ils sont utilisés dans les climats plus froids, sont basés sur une science imprécise et un marketing égoïste qui a conduit à la croyance que les toits blancs sont écoénergétiques et plus rentables que les toits plus conventionnels.
Qu’en est-il vraiment ?
Dans les faits, les membranes de toit blanc possèdent une réflectivité élevée qui dirige la chaleur vers le haut, tout comme les verres à haut rendement énergétique. Par conséquent, la présence d’un pare-vapeur du côté chaud d’un assemblage, qui est obligatoire selon le Code du Bâtiment, emprisonne un taux anormal de condensation sous la membrane blanche qui elle, de son côté, possède des propriétés faibles de perméance à la vapeur d’eau.
Résultat : problème de condensation extrême, infiltration d’eau, dégradation des pontages de bois ventilés et bien plus !
Et qui sera responsable de ces situations problématiques ? Considérant que l’entrepreneur installe les membranes blanches par obligation dans les secteurs identifiés par la Régie municipale et les règlements en vigueur sans pouvoir tenir compte du type de construction de l’immeuble et de son environnement, peut-il être tenu responsable des problèmes qui en résultent ?
Réduction des îlots de chaleur : des conséquences bilatérales
Dans une urgence de réduire « l’effet des îlots de chaleurs » de quelques degrés en été, les toits blancs ont été présentés comme une solution salvatrice pour contrer le réchauffement climatique. Dans les pays nordiques comme le Canada, cette notion demeure vraie pour quelques semaines par année, 6 semaines tout au plus !
Ce même phénomène est considérablement inversé en période hivernale ou la neige accumulée en surface agit à titre d’isolant supplémentaire, déplaçant ainsi le point de rosée sous la membrane. Sans compter les saletés accumulées qui réduisent considérablement le taux de réflexion, et ce, dès la deuxième année après l’installation.
Ce qu’en disent les études
Toutes les études réalisées, dont celle du Lawrence Berkeley National Laboratoire, démontrent l’efficacité de l’utilisation de toiture blanche réfléchissante partout, climats nordiques compris. Mais, ces études ne tiennent pas compte des performances thermiques, de l’infiltration d’air ou l’entraînement par la vapeur. Elles se limitent à mesurer la température de surface au niveau du toit.
De nouvelles études, dont une de Virginia Tech, permettent de remettre en question les économies d’énergie des membranes réfléchissantes blanches et remettent en question l’hypothèse sur laquelle les normes et les codes ont été basés. Elles démontrent que la réflectivité des fenêtres, murs de maçonnerie, toits ventilés et bien d’autres phénomènes contribue davantage à l’augmentation de la température ambiante et peuvent même annuler et provoquer des problèmes de condensations ou autres.
vtnews.vt.edu/articles/2017/10/CAUS-Black-White-Roofing.html#.Wv3yAz2voW8.email
Architectes, ingénieurs, propriétaires de bâtiments et concepteurs de systèmes de toiture remettent également en question leur validité scientifique. Dans un document PDF disponible sur leur site Web, RCI reconnaît que pour les climats plus froids l’installation d’un toit réfléchissant n’est pas toujours l’option idéale.
rci-online.org/wp-content/uploads/PS-2018-17-Cool-Roofing.pdf
Image thermique montrant une contamination par condensation d’un pontage de bois après seulement 2 ans d’installation.
Mon expertise, mon questionnement
Œuvrant comme conseiller en étanchéité d’enveloppe du bâtiment avec spécialisation en thermographie infrarouge et n’ayant aucun lien avec quelque manufacturier de membranes que ce soit, je considère avoir une perspective impartiale et une expertise appuyée par de bien tristes réalités.
Considérant maintenant les divers problèmes liés au toit blanc en climat nordique, une question se pose : doit-on attendre des affaissements de toiture majeure avant de reconsidérer la mise en place systématique de toit blanc sur un immeuble ?
Source :
- Article paru dans le Baltimore Sun du 28-10-2013 écrit par M. Samir Ibrahim director of design services and project reviews for Carlisle SynTec Systems[UW3]
- Cool vs non-reflective roofing, RCI. (http://rci-online.org/wp-content/uploads/PS-2018-17-Cool-Roofing.pdf)
Michel Desgranges, T.P.